Vive Marcela !


Qui, en ayant vu cette vidéo, n'a pas envie "d'écraser la gueule" de Yann Moix "à coup de talons", pour citer BHL ? Marcela y est resplendissante, et le gros porc auteur de grands textes fondateurs ("Podium", "Partouz") lui coupe la parole en permanence et débite son pontifiant discours straight et mainstream.

Marcella, à la fin de l'émission, présente un livre de son "mec" Patrice Maniglier ; profitons-en pour parler ici de l'Anti-manuel d'éducation sexuelle, signé Marcela et Patrice Maniglier, qui reprend les thèmes de Qu'avez-vous fait de la libération sexuelle ? mais en décuple la portée, la rigueur et la qualité. Une bible.

Qu'avez-vous fait de la libération sexuelle ?

L’heure était venue pour nous, Sabotage, de nous pencher enfin sur un sujet qui mérite amplement que nous y introduisions un peu de notre esprit critique et déconstructeur : la sexualité. Le sujet étant vaste, nous avons dédié nos nuits blanches à la recherche d’un premier angle d’attaque, jusqu’au jour où est tombé entre nos mains un court essai de Marcela Iacub, intitulé Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? (qui date de 2002 et est édité chez Points en édition poche).

Le texte prend la forme d’une fiction ludique, au cours de laquelle une héroïne astucieusement nommée Louise Tugènes, dans la pure tradition des Ingénus littéraires, avance dans un monde qui veut se faire croire a tout prix que la « libération sexuelle » est un acquis alors que, manifestement, il n’en est rien. La théorie de Marcela Iacub est la suivante : initialement voué à combattre la « domination masculine », le féminisme majoritaire, une fois institutionnalisé (politiquement, socialement, intellectuellement) a sciemment abandonné le projet de donner aux femmes les conditions d’accès au pouvoir et à l’indépendance, pour au contraire affaiblir les hommes au moyen d’un arsenal moral, rhétorique, législatif, tout en maintenant les femmes, de fait, dans une position d’asservissement.

Ainsi en est-il de la loi sur la parité des listes électorales, qui revient à considérer que les femmes n’ont pas les capacités suffisantes pour s’en sortir sans qu’on leur mette le pied à l’étrier. Ainsi en est-il de l’instrumentalisation qui est faite des « tournantes » : au nom d’une idée de la Femme, que l’on essentialise comme un être maternel et fragile, on considère qu’une femme ne peut pas accepter de participer de son plein gré à des tournantes, et on va jusqu’à leur arracher a posteriori l’aveu d’un non-consentement pas forcément conscient (inutile de préciser qu’il ne s’agit en aucun cas de dire que toutes les filles qui participent à des tournantes le font volontairement, dans la joie et la bonne humeur). Ainsi en est-il des débats autour de la famille, de la procréation artificielle sans mère porteuse, cannibalisés en permanence par ceux et celles qui, au nom du féminisme, essentialisent « La Femme » comme une mère en puissance. Au final, hommes et femmes sont opprimés mais sont priés de se consoler en voyant le sexe opposé l’est tout autant.

Contre cette tendance du féminisme contre-révolutionnaire qui s’appuie sur la mise en valeur de prétendues différences, voire de conflits fondamentaux, indépassables et structurants entre les hommes et les femmes (ou encore entre l’Homme et la Femme pour reprendre leur phraséologie créationniste), Marcela Iacub propose au contraire un féminisme « indifférentialiste », visant donc à abolir toute différence entre hommes et femmes au-delà du génome. Ce qui revient à nier toute essentialisation de « la Femme » comme de « l’Homme », et à ne pas cultiver la « spécificité maternelle » des femmes dans le but unique de justifier, en quelque sorte, leur existence sociale. Et cela touche encore non seulement au droit et aux mentalités, mais d’une manière plus large au fondement de notre culture, qui refuse obstinément de sortir d’une dialectique artificielle et bas de gamme « oppresseur / opprimé », maintenant autour du sexe et de ses représentations toute une toile de phobies culpabilisatrices héritées d’un passé religieux et obscurantiste.

Car en plus de la question du féminisme, dont Marcela Iacub traite dans les grands largeurs, c’est également à celle de la place du sexe dans la société que s’attaque Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? . Les exemples récurrents de la pornographie et de la prostitution en disent long sur la normalisation que la culture tente d’imposer à la sexualité des acculturés.

En plus des thèmes que nous venons de citer, il faut également évoquer les questions délicates car plus minoritaires telles que l’instrumentalisation de la parole des enfants dans les affaires de pédophilie, la définition même de ladite pédophilie (dont des parents et des associations paranoïaques abusent jusqu’au délire), de la pénalisation du viol (presque autant que le meurtre dans la loi française !) et de la très ténue notion de consentement, que Marcela Iacub traite quasiment comme une scientifique, avec une rigueur dont on oublie trop souvent qu’elle est indispensable dans ce genre de débats.

« Anti-féministe parce que féministe, et inversement », Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? est, à notre sens, la pierre d’où il faudra partir pour reconstruire ce que les féministes d’hier ont laissé tomber.

Au Figaro, la loi du talion règne

CSP aime beaucoup faire une chose : citer les commentaires de lecteurs qui ornent les articles de nos brillants journaleux. Il faut avouer que c'est un sport passionnant.

Nous mêmes, nous faisons ce petit jeu depuis quelques temps, et nous sommes frappés d'une chose : la violence des commentateurs du Figaro.fr. Pour bien s'en rendre compte, il faut lire tous les comptes-rendus de faits divers (agressions, violences, meurtres). Et sous ces comptes-rendus distanciés, l’ahurissant lamento des lecteurs du Figaro, qui réclament systématiquement la fin de l’indulgence et de la « culture de l’excuse », la pendaison, le rétablissement de la torture, etc.

Si les commentateurs du Figaro étaient magistrats, il y aurait une charrette de cinquante condamnés à mort quotidiens. Et autant d’incarcérés à vie. Leur soif de répression s’accompagne d’un regret de ce temps-jadis où les méchants étaient tués, mis au bagne, où les jeunes étaient bien éduqués, et où on ne trouvait pas des excuses systématiques, dans le contexte social, à la criminalité.

Pas étonnant que les lecteurs d’un journal de droite soient de droite, pourra-t-on rétorquer. Ce qui frappe, ce qui fout la trouille pour être plus précis, c’est le nombre de revanchards, l’interminable litanie des appels au meurtre, et la redondance mécanique, à chaque fais-divers, de ce type de réactions.

Actualité de la barbarie, en somme.